Face à la crise sanitaire et au conflit commercial et diplomatique entre la Chine et les États-Unis, les semi-conducteurs sont au cœur de l’actualité. Nous nous sommes entretenus avec Patrick Boulaud (E2017), spécialiste depuis 25 ans du marché de semi-conducteurs et particulièrement des marchés asiatique et européen.
Pourrais-tu nous présenter ton parcours professionnel ?
Depuis 1990, mon itinéraire professionnel a été consacré au secteur des semi-conducteurs. D’abord avec les composants de puissance étendus par la suite aux produits analogues et au marché des capteurs, et ce dans une dimension Field Operational Marketing et Application engineering Management, couvrant l'intégralité du marché asiatique, au sein de la société franco italienne STMicroelectronics. Mon parcours m’a amené à être basé à Hong Kong, Taipei et Shanghai, comme Regional Vice-President Asia, où j’exerce mes activités depuis plus de 25 ans.
C’est à ce moment que j’ai découvert l’Executive Master sur LinkedIn et je me suis rendu compte que ça pourrait être une belle opportunité pour moi de me rapprocher de l’Europe tout en restant en Asie. Mi-2017, en parallèle de l’Executive Master, j’ai créé une société de conseil dédiée à la “Semiconductor Competitive Intelligence” et au “New Semiconductor Material GaN, SIC”. Je compte parmi mes clients mondiaux des entreprises de semiconducteurs, des startups, des distributeurs, des banques, des VC, etc., dans un contexte géopolitique, économique, sociétal et environnemental où cette industrie joue un rôle vital dans l’innovation, le développement digital et l’indépendance stratégique.
Par ailleurs, je participe bien qu’indirectement au renforcement de l’écosystème d’innovation Européen et à sa conversion en succès industriels et commerciaux.
Notamment dans les domaines stratégiques en forte croissance ou émergents tels que les énergies renouvelables, la 5G et l’électrification automobile.
J’ai été nommé en décembre 2021 Président du Conseil D’administration de la startup Wise Intégration, spécialisée dans la conception et la commercialisation de semi-conducteurs de puissance basés sur des matériaux semi-conducteurs de 3eme génération (III V), et plus spécifiquement le Gallium Nitiride (GaN).
Quel regard as-tu sur ce secteur face à la pandémie et à la pénurie de semi-conducteurs ?
On n’a jamais autant parlé de semi-conducteurs depuis la pandémie et du fait des tensions entre la Chine et les États-Unis. C’est une chance énorme pour moi puisque les entreprises ont besoin de conseil et d’informations. Cette pénurie a débuté suite aux confinements et à l’augmentation soudaine de la demande pour les ordinateurs et les smartphones, mais aussi suite à une réorganisation du mix de produits de l’industrie du secteur : Intel, TSMC et Samsung qui possèdent les technologies les plus matures. TSMC a notamment tout misé sur le mobile suite à la pandémie et quand les entreprises du secteur automobile sont revenues pour acheter les semi-conducteurs, il n’y avait plus la même capacité de production. Il faut relancer la production mais comme des investissements supplémentaires sont nécessaires, nous sortirons probablement de cette crise d’ici 2 ans.
Penses-tu qu’il soit possible à terme d'envisager une souveraineté européenne en matière de semi-conducteurs ?
Je suis pro-européen mais parfois j’ai l’impression que l’argent des fonds publics est investi sans le retour sur investissement escompté. L’Europe a beaucoup investi mais nous n’avons pas énormément de startups qui ont survécu sur le marché. Depuis l’arrivée de Thierry Breton en tant que Commissaire au Marché intérieur, la stratégie de la commission européenne a évolué : L’Europe travaille maintenant avec les entreprises qui sont bien implantées sur le marché mondial comme Intel, TSMC et Samsung, en implantant les usines de ces entreprises sur le territoire européen. L’objectif pour l’Europe est de passer de 10% à 20% dans la production mondiale de semi-conducteurs, autrement dit, de multiplier sa production par 4.
Pour finir, quels sont tes projets pour la suite ?
Dans les 2 années à venir, j’ai pour objectif de continuer de piloter mes projets en cours, notamment contribuer à l’accélération de la croissance de Wise Integration, mettre à disposition mon expérience et expertise sur le Gallium Nitride et le Silicone Carbide, explorer de nouveaux matériaux stratégiques (ex: Gallium Oxide) et identifier de nouvelles startups prometteuses, particulièrement en Europe.
